Les pages de la Gazzetta Svizzera ont fait couler beaucoup d'encre au sujet de l'imposition des rentes de retraite suisses perçues par des résidents italiens. Nous avons toujours fait une distinction fondamentale entre les rentes perçues en Suisse (créditées sur un compte suisse) et les rentes perçues en Italie (versées directement sur un compte italien par l'organisme payeur). Nous avons toujours soutenu que ce n'est que dans le second cas (rentes canalisées en Italie) qu'il serait possible de bénéficier de l'imposition préférentielle de 5%. Par contre, dans le premier cas (rentes perçues directement en Suisse), les rentes seraient soumises à l'impôt progressif (c'est-à-dire à un taux plus élevé), et devaient être déclarées dans la déclaration d'impôt sur le revenu à soumettre aux autorités fiscales italiennes. Ce que nous avons toujours affirmé, n'en déplaise à nos lecteurs, était fondé sur les dispositions réglementaires en vigueur ainsi que sur les dispositions interprétatives émises par l'Agence italienne du revenu. Cela n'enlève rien au fait que cette approche réglementaire a souvent été considérée comme discriminatoire, car elle avait pour effet d'appliquer un traitement fiscal différent aux mêmes contribuables, selon le lieu où les revenus étaient perçus (en Italie plutôt qu'en Suisse).
Le scénario ci-dessus est maintenant radicalement changé suite à l'entrée en vigueur d'une disposition contenue dans la "loi n° 197 du 29 décembre 2022 sur le budget de l'État pour l'exercice 2023". Cette règle (article 1, paragraphe 77) ajoute le paragraphe 1-ter à l'article 76 de la loi n° 413 du 30/12/1991, qui prévoit ce qui suit :
"1-ter. Les montants versés en tout lieu par l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (AVS) suisse et par l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité professionnelle suisse (LPP), y compris les prestations versées par les institutions de préretraite ou les institutions suisses, acquises également sur la base de cotisations sociales imposées à la source en Suisse et versées sous quelque forme et pour quelque motif que ce soit, reçues par des personnes résidentes (en Italie) sans l'intervention d'intermédiaires financiers (banques) italiens, sont soumises à l'imposition de substitution de l'impôt sur le revenu au même taux que l'impôt à la source visé aux paragraphes 1 et 1-bis" (c'est-à-dire le taux de 5%).
Cette règle élimine donc toute distinction dans le traitement fiscal des rentes en fonction du lieu où elles sont perçues. La conséquence importante est que les rentes, qu'elles soient AVS ou LPP, seront imposées au taux de 5%, qu'elles soient acheminées vers l'Italie ou créditées sur un compte bancaire suisse. La seule différence entre les deux situations peut concerner la question de savoir si l'impôt doit ou non être déclaré dans la déclaration fiscale annuelle à déposer en Italie. Il faudra voir en particulier comment il convient de se comporter dans le cas d'une pension LPP acheminée en Italie. La règle en question fera certainement l'objet de dispositions interprétatives qui clarifieront ces aspects. Pour l'instant, la seule certitude est la détermination du même taux d'imposition de 5 % dans toutes les situations. Par ailleurs, la formulation "versées sous quelque forme et à quelque titre que ce soit" autorise à supposer que le taux réduit est applicable tant aux prestations sous forme de rente qu'aux prestations sous forme de capital. Il convient donc d'attendre les éclaircissements de l'Agence italienne du revenu à ce sujet.
Dans l'attente d'éclaircissements, nous conseillons à ceux qui doivent prendre une décision préalable de suivre la pratique actuelle pour les rentes LPP : faire verser le montant à leur banque en Italie, informer la banque avant le premier versement (de préférence par lettre recommandée avec accusé de réception) que le paiement par ....... concerne la pension professionnelle suisse qui doit être soumise par la banque à l'impôt de 5% conformément à l'art. 76, alinéa 1bis, Loi n° 431/1991; Circulaire de l'Agence du revenu du 27.01.2020 n° 3/E.
En outre, la validité de cette nouvelle réglementation est rétroactive à 2015, ce qui permettra aux pensionnés qui ont des litiges avec l'Agence du revenu sur ces questions de les résoudre positivement.
avv. Andrea Pogliani
Robert Engeler